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eMmA MessanA

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Collages, écrits pour les petits et les grands, et un tourbillon d'autres choses


La misère, Victor Hugo

Publié par eMmA MessanA sur 6 Novembre 2018, 10:10am

Le discours de Victor Hugo, "Détruire la misère" du 9 juillet 1849 à l'Assemblée nationale, appuie la proposition d'Armand de Melun visant à constituer un comité destiné à « préparer les lois relatives à la prévoyance et à l'assistance publique ».

Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère.

Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli.

La misère, messieurs, j'aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu'où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu'où elle peut aller, jusqu'où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?

Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l'émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n'ayant pour lits, n'ayant pour couvertures, j'ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s'enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l'hiver.

Voilà un fait. En voulez-vous d'autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n'épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l'on a constaté, après sa mort, qu'il n'avait pas mangé depuis six jours.

Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !

Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m'en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l'homme, que ce sont des crimes envers Dieu !

Vous n'avez rien fait, j'insiste sur ce point, tant que l'ordre matériel raffermi n'a point pour base l'ordre moral consolidé !"

Vous n’avez rien fait, tant que le peuple souffre ! Vous n’avez rien fait, tant qu’il y a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère ! Vous n’avez rien fait, tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent peuvent être sans pain ! Tant que ceux qui sont vieux et ont travaillé peuvent être sans asile ! Tant que l’usure dévore nos campagnes, tant qu’on meurt de faim dans nos villes, tant qu’il n’y a pas des lois fraternelles, des lois évangéliques qui viennent de toutes parts en aide aux pauvres familles honnêtes, aux bons paysans, aux bons ouvriers, aux gens de cœur ! Vous n’avez rien fait, tant que l’esprit de la révolution a pour auxiliaire la souffrance publique ! Vous n’avez rien fait, rien fait, tant que dans cette œuvre de destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l’homme méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux !

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J
Quelles belles interprétations de ce texte puissant. On peut quand même se demander pourquoi et comment on a si peu progressé sur le terrain de l'éradication de la misère. Merci pour cette mise en ligne
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E
Je n'ai guère la réponse d'autant que les écarts se creusent plus que jamais...<br /> Merci pour ton passage, Jeanne.<br /> Je t'embrasse,<br /> eMmA
G
Ce texte est tout à fait d'actualité...Merci, Emma, de nous le rappeler
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E
Je reconnais que je ne le connaissais pas, ce discours de Victor Hugo. J'en ai eu connaissance hier en regardant sur France 2 le téléfilm qui retrace sa vie.<br /> Il est d'une puissance désespérée et oui, tellement d'actualité.
A
Toujours d'actualité, s'il y a un sujet qui ne préoccupe pas les gouvernements quels qu'ils soient et dans le monde entier, c'est bien celui de la misère. Les richesses appartiennent à un tout petit nombre et d'années en années l'écart se creuse. La Nasa prévoit un effondrement de l'humanité d'ici quelques années dont seuls les nantis survivront...
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E
Ils migreront vers Mars ou ailleurs, mais... y seront-ils accueillis ou bien seront-ils refoulés ?<br /> Je ne peux pas me résoudre à l'idée que l'on ne se préoccupe pas de la misère d'ici et d'ailleurs. Je ne peux pas non plus admettre que la fin de l'humanité soit proche, croire en tous les scenarios catastrophe qui nous sont régulièrement servis.<br /> Je ne veux pas sombrer dans l'aquoibonisme, c'est trop désespérant. Je préfère être naïve et tenter jusqu'au bout d'y croire, quitte à tomber de haut. J'avoue être de plus en plus fatiguée, pourtant...<br /> <br />
V
Merci Emma de reproduire ici ce texte de Victor Hugo qui résonne en nous.<br /> Ma ville, plutôt bienveillante envers les mendiants roms, vient d'interdire la mendicité à partir du 1er novembre.<br /> Qu'offre t on comme solution en échange alors que l'hiver est à notre porte?
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E
Ces sujets sont si délicats et je suppose que cet arrêté vise à éloigner les miséreux du centre ville. Comment imaginer qu'il suffise d'interdire la mendicité pour que la misère s'autodétruise ? Elle sera déportée ailleurs avec toute la cohorte de malheurs qu'elle trainera sur son sillon...