4 Juin 2020
Pendant ce printemps de confinement, j'ai découvert avec grand plaisir les Editions Bruno Doucey, lui même poète et éditeur.
Plusieurs fois par jour sur facebook, il animait sa page en nous faisant la lecture de poésies.
Ces rendez-vous ponctuaient nos journées d'une ample respiration, ouvrant grand nos horizons fermés et ligotés entre nos quatre murs.
Je n'ai jamais autant ressenti combien la poésie nous rendait encore plus sensibles au besoin de humer ce vent de liberté et d'évasion que celle-ci procure, à quel point elle peut ériger un rempart de douceur contre la brutalité des relations humaines trop souvent inhumaines.
Vous qui connaissez mon attachement pour l'Inde, vous ne serez pas surpris d'apprendre que parmi les nombreuses œuvres présentées, j'ai été immédiatement attirée par l'anthologie établie et traduite par Jiliane Cardey, Pour une poignée de ciel. Poèmes au nom des femmes dalit, dont la préface a été écrite par Natacha Appanah.
Il est impossible de ne pas être sensible à ces poésies qui content la vie de ces femmes dites Intouchables. Malgré un système de castes aboli depuis 1950, la notion d'intouchabilité demeure une réalité toujours très vivace. On a juste changé le vocable "intouchable" en "dalit" (qui signifie "opprimé"). Mais, ça ne change rien. Ce sont les misérables parmi les plus misérables. Ce sont des femmes que l'on oppresse, mais c'est par elles que peu à peu l'Indienne de demain relèvera la tête, "Car, maintenant / La femme dalit / S'est saisie du crayon" (Sudhïr Sagar).
L'édition est bilingue hindi/français, ce qui à mes yeux ajoute à la beauté de l'ouvrage, non seulement visuellement (j'aime l'esthétique de ces caractères qui nous transportent loin) mais également pour ce que cela implique de respect vis-à-vis de ces femmes qui pour nombre d'entre elles demeurent illettrées hélas, mais qui portent en elles l'espérance d'une éducation à leur portée ou de celle de leurs filles.
Vous pouvez visualiser la vidéo postée par Bruno Doucey sur facebook au sujet de ce livre : https://www.facebook.com/editionsbrunodoucey/videos/278965313254542/
La lecture de cet ouvrage que j'ai enfin pu récupérer aujourd'hui auprès de ma libraire indépendante à laquelle je l'avais commandé durant le confinement, a réveillé chez moi bien des souvenirs.
Aussi, j'ajoute à cette page quelques photos de mes voyages en Inde du sud, où j'ai côtoyé principalement des Adivasi.
Tous m'ont fait un peu grandir à chaque séjour. Ils demeurent dans mon cœur à tout jamais. Je ne les oublie pas.
Vous l'aurez compris, je vous recommande vivement la lecture de ce beau recueil de poésies, si singulier.
A bientôt,
eMmA MessanA
"Une
Illettrée pauvre
Candide de cœur
Quoique noire de peau
Quand elle rit aux éclats d'un rire libéré
Le ciel s'emplit
De rangées de volutes blanches qui ondulent (...)"
Je me souviens comme si c'était hier de la tendre et timide coquetterie de cette femme adivasi* dans les ruelles de son pauvre village de Periyakattupalayan dans le Tamil Nadu. Elle tenait absolument à se recoiffer avant que je ne prenne ma photo. C'est un moment que je n'oublierai jamais et cette photo est pour moi comme un talisman.
* adivasi : primo-habitants de l'Inde. Plus d'explications en suivant ce lien : http://www.emmacollages.com/2014/05/pour-les-coquettes-colliers-adivasis.html
Ces crayons-là sont certes de couleur, mais je me souviens qu'ils avaient fait le bonheur des ces élèves et de leurs maîtresses après la lecture de The very hungry caterpillar d'Eric Carle. Récemment, une des maîtresses me parlait encore de ces séances de lecture...
(...) Ça suffit...
Je voudrais
Que mes enfants aussi puissent manger du dal
Avec bonheur comme vous !
Qu'ils puissent changer leur futur
Que leurs mains
Ne manient pas la pelle comme moi
Que comme vous elles tiennent
Un crayon !