Gilles Perraudeau, La horde et le hameau Les violences au village

25/07/2025 11:00

Au cours du salon littéraire Bouin se livre le 6 juillet 2025, j'ai eu la visite de Gilles Perraudeau.
Vous vous souvenez, je l'avais déjà évoqué dans ce blog lorsque j'avais rendu compte du Salon du livre "légendaire" de Saint-Gervais parrainé en 2022 par Yves Duteil (pour le plaisir, vous pouvez revoir ici, moi je ne m'en lasse pas).
A l'époque, Gilles présidait encore ce salon...
Mais, je m'égare, aujourd'hui il va être question de l'auteur. Il a une vingtaine d'ouvrages à son actif (essais et fictions).

Dans son dernier ouvrage paru aux éditions Vent des Lettres, La horde et le hameau Les violences au village, Gilles Perraudeau nous présente une analyse fine et précisément documentée portant sur le phénomène séculaire de la horde et des violences qui en découlent dans les campagnes en Vendée et dans le Pays de Retz.

Pas à pas et grâce à des chapitres clairement structurés, on comprend les mythes fondateurs des mécanismes de la horde.
Depuis les raids des pilleurs Normands ou Anglois d’hier, en passant par les pratiques jamais innocentes des bacheliers, des carnavaliers, des mendiants et autres quêteurs des siècles derniers, on en vient aux comportements non dénué de violence de nos contemporains.

Cet héritage offre un pont saisissant qui relie le monde d’hier à celui d’aujourd’hui avec son lot de frayeurs, de violence mais aussi de loyauté ou de solidarité envers le groupe, imprégnant même les coutumes les plus festives ou grivoises.
Entre peur et désir, c’est comme un mouvement perpétuel qui fait que tout un chacun s’identifie à la horde du « méchant » pour mieux vivre siècle après siècle par procuration (ou dans les faits réels) ses propres pulsions de violence en les assouvissant plutôt qu’en les refoulant.

Les anecdotes et témoignages puisés dans une abondante bibliographie ou recueillis auprès de villageois interrogés à Bois de Céné, Machecoul, Challans, entre réalité, fiction et folklore rendent la synthèse historique vivante et passionnante, d'autant que l'auteur est un fin connaisseur du milieu rural de Bois-de-Céné en Vendée où il est né et y réside encore.
Les passages en patois maraichin ajoutent une couleur d'authenticité à l’ensemble.

Considérons maintenant la station sur le seuil de la maison et la chanson qui s'élève dans la nuit. Il ne s'agit pas là d'un rite de "première fois" donnant lieu à une ouverture cérémonialisée de la porte comme on le voit souvent pour marquer les grandes étapes d'une vie. Cet arrêt sur le seuil s'inscrit plutôt ici dans les usages quotidiens et le statut particulier des portes que l'on ne fermait guère que la nuit ou lorsqu'il y avait un mort. Il eut été peu habile de la part des quêteurs de taper à la porte et de dire leur intention. Une chanson était un sésame bien plus sympathique et opératoire dans ces circonstances nocturnes.

Gilles Perraudeau (in "La horde et le hameau Les violences au village", éd. Vent des lettres, p. 72/73

Sans doute le seigneur pense-t-il ainsi se concilier la faveur populaire bien mieux que par un surcroît de redevances. Cette imitation éphémère des chevaliers, ce cortège symbolique où les dalmatiques recouvrent les oripeaux avaient une fonction cathartique en faisant oublier les frustrations populaires et les rivalités entre les ordres, en libérant les pulsions à travers la fête et en confortant finalement le statu quo social. Tout cela s'inscrivait dans des usages bien connus de l'Ancien Régime, relatifs aux rôles et aux fonctions de la fête.

Gilles Perraudeau (in "La horde et le hameau Les violences au village", éd. Vent des lettres, p. 109

Je remercie Gilles pour son beau cadeau du cœur et de l'esprit dont la dédicace m'a largement fait sourire à l'issue de notre conversation au salon de Bouin.
Je vous invite à lire ce superbe travail historique d'analyse anthropologique.

A bientôt pour d'autres lectures,
eMmA