14 Octobre 2021
Je l'avoue, je n'ai jamais fait les vendanges.
J'avoue encore que je n'y connais vraiment pas grand chose en vin (mais je me soigne) et que j'ai toujours bien du mal à mémoriser les différentes appellations, régions viticoles et autres millésimes.
J'en ai quand même un peu honte.
Et puis, je suis incapable de prendre un air inspiré pour raconter mes sensations, cela même si je goûte avec grand plaisir la joie d'accompagner un bon repas d'un bon vin (qu'on aura choisi pour moi).
En revanche, si le breuvage est mauvais, je le perçois quand même assez facilement...
Je reconnais qu'il m'est bien entendu arrivé de visiter des caves, mais dès la seconde dégustation, je perds tous mes moyens.
Je dois aussi confesser avoir parcouru quelques routes des vins, mais j'étais plutôt enivrée par les paysages du terroir...
Toutefois, j'ai des souvenirs gustatifs et olfactifs inoubliables pour le contenu de quelques bouteilles ouvertes lors d'événements marquants, la plupart du temps familiaux ou amicaux.
Je pense au goût de violette d'un Condrieu dégusté en bonne compagnie, à un extraordinaire vin de glaces accompagnant un foie gras pour une Saint-Sylvestre en Alsace, un Château D'Yquem mémorable choisi par mon père dans un bon restaurant, mais aussi à un simple Beaujolais nouveau nous rassemblant entre collègues autour d'une belle variété de fromages...
Alors, quand la néophyte que je suis décide de faire connaissance avec les vins de notre région d'adoption, la Vendée, je m'applique et tâche d'ouvir grand mes papilles, les yeux et mon coeur.
J'ai fait un doublon hier.
Le matin, accompagné de JM, nous avons visité l'un des cinq Fiefs Vendéens, celui de Brem, en nous rendant chez Thierry Michon et Fils au Domaine de Saint-Nicolas à l'Ile d'Olonne qui exploite son domaine en biodynamie, respectueux de son beau terroir depuis 1995.
Charlotte Voltz nous y a reçus et nous a parlé du domaine avec un grand professionnalisme, les yeux pétillants de passion.
Je me garderai bien de reproduire ses mots car comme je vous l'ai dit, je n'y connais pas grand chose. J'ai toutefois bu ses paroles et ai appriécié qu'elle me mette à l'aise en me disant au moment de la dégustation, qu'il lui suffit d'entendre "J'aime" ou "Je n'aime pas".
Vous savez combien j'aime les signes que la vie essaime sur nos chemins. Eh bien j'ai eu l'incroyable surprise d'apprendre que son deuxième prénom est Marie-Angèle (ce n'est pas un grand mystère pour bon nombre d'entre vous que mon "vrai" prénom est Marie-Angèle, d'où le eMmA pour en rappeler les initiales). Je vous assure que je n'en ai pas rencontré beaucoup dans ma vie des Marie-Angèle (prénoms de mes deux grands-mères et des deux siennes) !
Puis vint le moment de la dégustation.
Je ne me permettrai pas de faire la maligne en vous livrant mes sensations. Je préfère vous renvoyer vers les fiches techniques du site du domaine pour y lire les descriptions précises de ces merveilleuses cuvées que nous avons goûtées et fort appréciées : blanc "Les Clous", Chenin et Chardonay ; blanc " Le Haut des Clous", pur Chenin ; rouge "Le Poiré", pur négrette ; un joyeux pétillant Jazz Band et un vin blanc moelleux non encore commercialisé, sans nom officiel, délicieux...
Le terroir est sous l'influence d'un environnement riche : évidemment des mouvements lunaires, mais également de l'Atlantique toute proche, les marais, la forêt près de Brétignolles-sur-Mer, et en sous-sol des roches sédimentaires silicieuses et argileuses généralement marines telles que la phtanite...
Foi de collagiste, j'ai avoué à Charlotte-Marie-Angèle que la première chose que j'observe dans une bouteille de vin, c'est... son étiquette. Je suppose que ceux qui me connaissent ne s'en étonneront pas. JM en possède une belle collection venant d'une époque où l'on pouvait aisément décoller les étiquettes des bouteilles...
Et puis, durant la dégustation, je vois une bouteille sur la quelle l'étiquette représente un accordéoniste... Cela m'intrigue.
J'explique que mon père jouait de l'accordéon, que moi-même j'ai appris cet instrument durant mon enfance. Et voilà que, nouveau signe, le propriétaire Thierry Michon arrive... en jouant de l'accordéon ! En plus, l'un de ses fils se prénomme Antoine, comme mon papa. Là je dois dire qu'il m'a été difficile de retenir mon émotion...
Et puis, comment suis-je arrivée jusqu'à eux ? Mais grâce à ma passion pour le chocolat, et notamment une autre maison de qualité, la Maison R&M où j'avais exposé mes collages en mars dernier (ici) !
Thierry Michon, vigneron, est aussi accordéoniste (il y a aussi une chanteuse dans la maison, mais elle se cache, dixit Thierry)...
La journée n'était pas finie.
Le soir j'ai participé à l'une des soirées initiées par l'ALIP (association des libraires indépendants en Pays de la Loire) dans le cadre de l'événement Du raisin et des bouquins à la librairie Les Oiseaux voyageurs à Saint-Gilles Croix de Vie (vous vous souvenez, je vous en ai déjà parlé ici).
Cette fois, c'est le jeune domaine océanique L'Orée du Sabia de Bastien Mousset, également sur le fief de Brem (eh oui, "tous les chemins mènent à Brem"!), qui était présent en la personne de Justine qui elle aussi a la passion de son métier chevillée au corps. Elle a largement répondu à nos questions portant, notamment, sur la biodynamie.
Un quizz littéraire nous a été proposé par les libraires, Marie et Matthieu qui au préalable avaient mis en avant quelques livres et auteurs liés à la vigne ou au terroir en général.
Puis nous avons dégusté trois vins rouges, dont Les Barrelières, pur négrette, qui a eu ma préférence. Je suis repartie avec l'une de ces bouteilles 2019.
Ce fut une belle soirée conviviale.
Ma prochaine soirée Du raisin et des bouquins se fera chez Clémentine Baranger dans sa librairie Au Chat lent à Challans le 22 octobre.
Cette fois, ce sera la caviste de Sallertaine, Julie Pilet de La Fleur des vignes, qui sera l'invitée. Celle-ci ne commercialise que des vins élevés en biodynamie de la région, dont ceux des deux vignerons que je viens d'évoquer.
J'aime ces passerelles, ces ponts entre les nourritures terrestres et les intellectuelles, qui en fait sont parfaitement liées.
Et voilà, je ne ferai preuve d'aucune modération, ce fut une journée enivrante !
A bientôt,
eMmA MessanA
« Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
Charles Baudelaire (Le Spleen de Paris, Petits poèmes en prose, 1869).