9 Juillet 2014
Qui sait reconnaître son bonheur est heureux
Je viens de commencer la lecture de la comédie pessimiste "Ederlezi" éditée chez Gallimard de Velibor Čolić*, auteur né en Bosnie et vivant depuis 1992 en Bretagne.
Ederlezi est la fête du peuple rom qui annonce le printemps, la renaissance
Elle est liée aux Balkans à la fête de Saint-Georges.
J'ai été happée dès les premières pages par l'incroyable épopée de cet orchestre tzigane aux influences multiples dont chaque musicien est un personnage fort à part entière.
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Cet orchestre bouillonnant fait rêver mais aussi réfléchir sur le
L'écriture est poétique et musicale, empreinte d'un brin de folie, fidèle à tout ce qui fait la signature d'Ederlezi.
Son livre est émaillé, entre autres, de proverbes roms.
J'ai lu le début de cet ouvrage comme un conte. J'imagine très bien une lecture à haute voix...
"Le pont qui reliait les deux parties du village était apparemment vieux comme le monde. En bois usé et lisse, qui pouvait sembler trop mince et trop faible au premier regard, il fut bâti par un certain Husein Karadagli, dit le Sellier, à l'âge d'or de l'Empire ottoman et pour les besoins de commerce des caravanes, mais les villageois préféraient narrer une tout autre histoire.
- Au début, avant la création du monde, disaient-ils, il y avait seulement une grande étendue d'eau. Puis Dieu décida de créer l'univers, mais comme il ne saurait faire que des choses idéales, parce qu'il est Dieu, la terre, une fois finie, s'avéra trop parfaite. Embarrassé, le Seigneur envoya le Diable pour qu'il la laboure de sa queue, afin de la rendre vivable pour sa prochaine création - l'homme.
Et le Diable, malin comme il est, prit son travail trop au sérieux. Il creusa des canyons, souleva des montagnes, excava le lit des rivières, à tel point que le monde devint inhospitalier pour l'être humain.
'Bon, se dit le Seigneur, une fois sur terre les hommes se retrouveront séparés, alors que j'avais prévu qu'ils vivent ensemble. Que faire ?'
Désespéré, il envoya aussitôt un ange qui, de ses ailes, relia les deux rives d'un canyon.
Ainsi apparut, ajoutaient-ils, le premier pont au monde. C'est pourquoi, comme tout le monde sait, on tue un ange chaque fois qu'on détruit un pont." (...) Extrait p.27
"Plus j'avance dans la littérature, plus j'ai la confirmation que son ennemi mortel est le bon sentiment. Les Tziganes ce ne sont pas des anges, même si je les place dans un espace mythologique, dans une sorte de rêve, ils sont un peu comme ces emmerdeurs qui reviennent toujours, mais tellement charmants, en même temps. Grandes gueules, séducteurs, buveurs et un peu poètes..."
Quelques ambassadeurs les plus connus qui rendent un hommage appuyé à ce peuple : le réalisateur Tony Gatlif avec Latcho Drom ou Emir Kusturica avec Le Temps des Gitans, et le musicien Goran Bregovic avec son Orchestre des Mariages et des Enterrements (je me souviens de son concert de folie au Cirque d'hiver en 2011 avec la visite surprise de Stephan Eicher : clic ici)
Je n'oublie pas que la chef de chœur de notre chorale lorsque je participais à cette jolie aventure, Marianne Feder, nous a fait connaître une petite partie de cet univers musical aux influences tziganes dont la chanson Ederlezi.
Et surtout, je n'oublie pas que nos petits protégés d'APRES SCHOOL près de Pondichéry sont les descendants de ce peuple de nomades.
A bientôt,
eMmA MessanA
* Prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises pour l'ensemble de son œuvre (2014)
Pour retrouver d'autres livres "ouverts/fermés" chez , cliquez sur le tag #Un moment de lecture
"Ederlezi", chant d'origine tzigane ici par le groupe de Goran Bregovic (B.O. du film "Le Temps des Gitans" d'Emir Kusturiça). Pour une version plus traditionnelle, visionnez la vidéo avec Martina Heinrich et Virginie Ponzone
pSa o Rroma babo, E bakren cinen
A me coro, dural bešava.
Sa o Rroma daje, amaro dive(s)
Amaro dive(s), Ederlezi
Ediwado babo, amenge bakro
Sa o Rroma, ba-aaa-bo. E bakren cinen
Refrain (x2)
Eeeeeeeej,
Sa o Rroma, babo babo,
Sa o Rroma, o daje,
Sa o Rroma, babo babo,
Eeeeeeeej, Ederlezi, Ederlezi, Sa o Rroma daje.
Sa me amala, oro khelena
Oro khelena, dive(s) kerena.
Sa me amala, oro khelena
Oro khelena, rromano oro.
Sa o Rroma daje, amaro dive(s)
Amaro dive(s), Ederlezi
Sa o Rroma daje, avri bešena,
Avri bešena, a me khere bešava.
Traduction :
Tous les Rroms, papa, sacrifient les moutons
mais moi, pauvre tambour, je dois surveiller de loin
Tous les Rroms, maman, (c'est) notre jour de fête
Notre jour de fête, Ederlezi
Papa, un mouton pour nous.
Tous les Rroms, papa, sacrifient les moutons