2 Avril 2018
Entre Cagliari, Buggerru et Villasimius (Sardaigne). Un clic sur l'image permet de l'agrandir © eMmA MessanA
Je viens de terminer le dernier roman de l'auteure sarde que j'aime beaucoup, Milena Agus, *Terres promises.
Je vous le conseille vivement.
Voici quelques extraits qui m'ont le plus touchée, voire frappée, pour bien des raisons...
Felicita était amie avec toutes les femmes du quartier.
Il y avait entre elles un incessant va-et-vient de nourriture et de confidences. Mais les maris de ses amies ne supportaient pas que Gregorio joue du piano. Ils venaient frapper à sa porte, souvent à plusieurs, pour décréter les horaires auxquels le garçon était autorisé à jouer. Malheureusement, d’autres maris passaient ensuite, l’air tout aussi menaçant, pour imposer d’autres horaires.
Ils ouvraient leurs fenêtres et, en italien et dans diverses langues, lançaient à Gregorio les pires injures, les plus graves menaces : et l’on comprenait qu’elles concernaient surtout ses mains.
Gregorio et Felicita transférèrent le piano dans la cuisine. Ils déplacèrent la table, le buffet et la cuisinière, pour protéger l’instrument de toute vapeur. Quand il avait fini d’en jouer, Gregorio recouvrait son piano d’une couverture de pure laine.
La cuisine donnait sur une cour intérieure sombre et humide, au contraire de la pièce où Gregorio avait grandi, si lumineuse avec tout ce ciel au-dessous, dans l’odeur des embruns. Entre l’école, ses devoirs et le conservatoire, il passait alors moins de temps à jouer à la maison et personne n’y trouvait à redire.
Néanmoins, ce nouveau salon de musique lui convenait parfaitement. Indifférent à tout, il se consacrait, heureux, à sa grande passion, environné de la brumaille aux relents de chou et d’égout qui imprégnait les murs de la cour intérieure, sur laquelle ne donnaient que des cuisines et des cabinets.
Vêtu d’un vieux blouson l’hiver et, l’été, de chemisettes élimées, Gregorio sortait toujours sans parapluie et quand il pleuvait, il finissait trempé. Et depuis l’enfance, demeurait ce problème de lacets qui se défaisaient sans cesse.
On aurait dit l’incarnation même de la misère, mais quand l’un de ses proches proposait de l’accompagner en ville pour acheter de quoi étoffer sa garde-robe, il se défilait, et si d’aventure on lui donnait de l’argent pour qu’il fasse ses achats tout seul, il se hâtait de tout dépenser en partitions.
- Ecoute, Marianna, puisque personne ne la trouve jamais, cette terre promise, pourquoi ne pas s'arrêter en route, dès qu'on arrive quelque part où on se sent bien. (...)
On leur avait proposé l'Australie. Ils auraient été bien mieux en Australie ! (...)
- Je fabrique des objets avec des choses qui ne servent plus.
- Du genre ?
- Des porte-crayons avec des rouleaux vides de papier hygiénique, des boîtes décorées à partir de vieilles boîtes (...)
Si vous souhaitez un peu mieux connaître l'auteure de Mal de pierres, je vous invite à suivre ce lien : http://www.lepoint.fr/livres/milena-agus-dans-mes-livres-les-perdants-gagnent-25-03-2018-2205352_37.php#xtor=CS2-259
Vous l'aurez compris, ce livre n'est pas juste un coup de coeur, mais un grand coup en plein coeur...
Bonnes lectures !
A bientôt,
eMmA MessanA