5 Octobre 2025
Dans le cadre d'une Masse Critique initiée par Babelio, j'ai lu le roman de l'écrivain québécois Pierre Yergeau, Dernière neige, publié par les éditions Phébus. Je remercie Babelio, ainsi que la maison d'édition pour leur cadeau.
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Si je vois le renard, je vivrai jusqu'au printemps.
Cette phrase, comme une puissante incantation, une formule magique, pour se convaincre que l'on peut maîtriser et peut-être inverser le cours des choses, revient de nombreuses fois au cours de ce roman. Elle rythme le passage organique des saisons et vient accompagner la symbolique du passage de la vie à la mort qui elle-même est un perpétuel passage vers la vie...
C'est la phrase que prononce l'épouse très malade du narrateur, qui vit son dernier hiver et... qui ne verra jamais ce renard.
Elle laisse un époux fou de douleur d'avoir perdu son grand amour, lui qui avait mis sa vie sociale et professionnelle entre parenthèse durant la longue maladie de son épouse.
Elle lui laisse aussi son chien Elios dont le compagnonnage l'aidera à ne pas sombrer totalement dans la folie qui le guette alors qu'il s'injecte le reste de morphine qui permettait à la malade de calmer sa douleur durant la fin de sa vie.
L'homme vit dans un isolement complet dans une maison de verre au milieu des montagnes. Parfois il danse avec son chien. Le froid et la glace sont en permanence évoqués, rendant les images impénétrables et cruelles.
Ce lieu étrange, le comportement de l'homme et du chien, donnent l'impression que nous sommes en dehors de la réalité. Est-ce dû à la morphine et l'alcool conjugués ? à la folie qui gagne le personnage central ? à la cruelle absence de l'être aimé ? au ressassement perpétuel des souvenirs liés à la lutte contre la maladie durant plusieurs années avec son lot de souffrance, de rituels des seringues et au final, de la mort ?
On se sent enfermé dans l'espace intérieur de cet homme complètement isolé et accablé, tenaillé par le manque. On est proprement hanté par cet enfermement.
Un soir, après avoir trop bu, je me suis injecté de la morphine. J'étais dans le salon, devant l'écran géant de la télé où jouait sans le son une série sur les vampires. J'avais une belle veine saillante dans le pli du coude.
Et puis, la vie peu à peu s'invite chez cet homme qui va tout d'abord tisser des liens amicaux sincères mais virtuels en échangeant des messages avec une jeune femme qu'il nomme Citron car elle blonde.
Sa prise de conscience le mène à décider de retourner à une vie citadine pour renouer des contacts réels. Il passe par les salons de prostitution où il s'égare et ne trouve pas vraiment de réconfort jusqu'au jour où il rencontrera une femme mariée qui l'attire et le fascine. La vie peut à nouveau habiter son coeur.
Viennent alors les questionnements complexes et existentiels : peut-on s'autoriser à revivre sa vie sans trahir celle qui fut passionnément aimée ? Peut-on dans ce contexte se reconstruire alors que l'on demeure à jamais attaché à la défunte ?
La langue et le style de ce roman sont très épurés, l'écriture au scalpel est parfois assez brute, voire austère.
Je l'avoue, j'ai parfois été perdue dans le déroulé de l'histoire, mais ce sentiment de confusion est sans doute voulu par l'auteur pour mieux nous faire appréhender le ressenti du personnage.
Il y a aussi de la poésie dans l'évocation de la nature et des images du lac gelé entouré de montagnes ou du vertige de l'absence.
Pour autant, je n'ai pas été convaincue par ce livre que j'ai trouvé trop abstrait à mon goût, presque flou, trop sec et saccadé dans l'écriture, même si je reconnais la puissance des images et du cheminement de ce veuf inconsolable, personnage que pour ma part je n'ai pas réussi à apprécier.
Toutefois, je conçois tout à fait que l'on puisse être séduit par la lecture de ce roman.
A bientôt pour d'autres lectures.
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