27 Mai 2013
27 mai 2013, entre anonymes et personnalités durant ma promenade-hommage, je me suis aussi fait mon inventaire à la Prévert, silencieusement, au son de la cérémonie d'adieu à Georges Moustaki, au son de quelques unes de ses chansons qui ont été diffusées entre les différentes lectures et prières.
Le soleil brillait enfin dans le ciel parisien, mais mes eaux de mai ce furent des larmes-hommage pour lui.
Je me souviens très bien de la toute première fois où, séduite à jamais, il m'apparut sur le petit écran : j'avais 12 ans et j'étais en vacances à Marseille chez mes grands-parents.
Il chantait le Métèque en noir et blanc sur l'écran, mais j'avais deviné ses yeux bleu ciel qui invitaient à la liberté sans condition, au voyage en douceur, en lenteur.
Mes parents ont tout de suite vu en lui le multiculturalisme qu'il incarnait et qui trouvait un écho en eux, eux qui nous avaient déjà fait tourner autour de la planète, à la recherche de leur propre liberté.
Je me souviens que cet été là, je n'ai eu de cesse que mon père se laisse pousser les cheveux et la barbe pour lui ressembler (mon père avait déjà adopté la pipe de Brassens pour me faire plaisir et mieux me faire aimer le grand Georges).
Je crois que ce premier 33 tours de Moustaki a dû tourner au moins une fois par jour pendant les trois années qui ont suivi.
Je l'ai toujours et il est quelque peu fatigué, mais toutes les chansons m'émeuvent toujours autant.
Je me souviens être allée avec mes parents l'applaudir au Théâtre Charles Dullin du Grand Quevilly quand j'avais une quinzaine d'années.
Sur scène, fin, racé, élégant, tout de blanc vêtu aux côtés d'une chanteuse brésilienne en robe fluide et blanche, il nous avait subjugués durant plus de deux heures.
Nous nous le rappelions hier, et mes parents m'ont demandé de lui dire un mot de tendresse et d'adieu pour eux aujourd'hui au Cimetière du Père Lachaise.
Ils l'aimaient beaucoup. Je l'ai fait et le poète a entendu, j'en suis sûre.
Je me souviens avoir croisé son chemin il y a trois ou quatre ans sur les bords de Seine.
Je revois sa discrète et nonchalante présence, son regard attentif, son sourire malicieux, au détour du Quai d'Anjou, non loin de sa rue Saint-Louis-en-l'Ile.
Un prince au milieu de Paris...
Je crois que ma chanson préférée de Moustaki, c'est Une Ephémère Eternité, valse qui tourne comme l'un de ces très beaux manèges...
Que la sienne soit nimbée de paix, dans la tendre oasis de ceux qui l'ont déjà précédé, mêlée à nos pensées baignées des eaux versées pour lui, cher Georges, ce jour de 27 mai 2013 au cimetière du Père Lachaise.
eMmA MessanA
La dernière demeure de Georges Moustaki, pas très éloignée de celle d'Edith Piaf.
"Une entaille au talon
Un pas, une pierre,
Un chemin qui chemine
Un reste de racine,
C'est un peu solitaire.
C'est l'hiver qui s'efface,
La fin d'une saison"
Georges Moustaki, Les Eaux De Mars
(Antonio Carlos Jobim) adaptation française Georges Moustaki
Un pas, une pierre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire
C'est un éclat de verre, c'est la vie, le soleil
C'est la mort, le sommeil, c'est un piège entrouvert
Un arbre millénaire, un nœud dans le bois
C'est un chien qui aboie, c'est un oiseau dans l'air
C'est un tronc qui pourrit, c'est la neige qui fond
Le mystère profond, la promesse de vie
C'est le souffle du vent au sommet des collines
C'est une vieille ruine, le vide, le néant
C'est la pie qui jacasse, c'est l'averse qui verse
Des torrents d'allégresse, ce sont les eaux de Mars
C'est le pied qui avance à pas sûr, à pas lent
C'est la main qui se tend, c'est la pierre qu'on lance
C'est un trou dans la terre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire
C'est un oiseau dans l'air, un oiseau qui se pose
Le jardin qu'on arrose, une source d'eau claire
Une écharde, un clou, c'est la fièvre qui monte
C'est un compte à bon compte, c'est un peu rien du tout
Un poisson, un geste, c'est comme du vif argent
C'est tout ce qu'on attend, c'est tout ce qui nous reste
C'est du bois, c'est un jour le bout du quai
Un alcool trafiqué, le chemin le plus court
C'est le cri d'un hibou, un corps ensommeillé
La voiture rouillée, c'est la boue, c'est la boue
Un pas, un pont, un crapaud qui croasse
C'est un chaland qui passe, c'est un bel horizon
C'est la saison des pluies, c'est la fonte des glaces
Ce sont les eaux de Mars, la promesse de vie
Une pierre, un bâton, c'est Joseph et c'est Jacques
Un serpent qui attaque, une entaille au talon
Un pas, une pierre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire
C'est l'hiver qui s'efface, la fin d'une saison
C'est la neige qui fond, ce sont les eaux de Mars
La promesse de vie, le mystère profond
Ce sont les eaux de Mars dans ton cœur tout au fond
Un pas, une " ... pedra é o fim do caminho
E um resto de toco, é um pouco sozinho ... "
Un pas, une pierre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire...
Je vous recommande également le très joli petit livre de Georges Moustaki, publié en 2006 chez Actes Sud, Sept contes du pays d'en face.
Vous y trouverez un saisissant autoportrait de l'auteur.
J'ai un très grand faible pour le 7ème conte, Hassan...
J'ai longtemps gardé ce livre dans mon sac, comme une sorte de talisman. Il me rappelait le temps où j'étais conteuse en Alsace.
Un jour, j'ai croisé Georges, Quai d'Anjou à Paris, mais je n'ai pas osé l'aborder pour lui dire mon admiration depuis toujours, ni même lui demander une dédicace...
Juste un petit sourire de connivence et hop, l'instant d'une magique rencontre s'était dissout dans l'air de Paris, ce Paris que j'adore.
Ce lieu en est à jamais imprégné, ainsi que ma mémoire...
A bientôt,
Pour retrouver d'autres chansons de Georges Moustaki dans la playlist d', cliquez sur le titre de ces pages :
Je t'aime autant que je t'aimais
Georges Breuil, peintre abstrait 1904-1997