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Avant que le monde ne se ferme, Alain Mascaro

Ederlezi: Time of the Gypsies - Goran Bregović, Emir Kusturica

   Je poursuis ma lecture des cinq romans sélectionnés pour le Prix du Gois pour lequel nous devons voter pour notre roman préféré, ce qui ne sera pas une mince affaire tant ces romans sont magnifiques et d'une grande qualité d'écriture ! 
  
Le premier roman d'Alain Mascaro publié aux Editions autrement, Avant que le monde ne se ferme, est déjà lauréat de plusieurs prix.
 

Avant que le monde ne se ferme, Alain Mascaro, éditions autrement

   A travers l’épopée d’un jeune « fils du vent », le dresseur de chevaux Anton Thorvath, nous allons vivre son cheminement depuis sa vie libre de Tzigane parmi les circassiens en Asie centrale vers l’Europe brutale et mortifère des camps de la mort de la Seconde Guerre mondiale où il sera interné et dont il ne repartira qu’en étant que l’ombre de lui-même.

   Porté par le souffle du vent, la raison et le cœur emplis de la mémoire des âmes de milliers de morts engloutis par la barbarie humaine, guidé par le violon de son ami Jag, par la sagesse de son ami médecin Simon, et par le mystère d’une femme, Yadia, il trouvera la rédemption en Inde parmi les primo habitants (ces tout premiers nomades à l’origine des Roms, des Tziganes, des Gypsies…). Il déposera ses lourdes peines en recréant le cirque de son enfance.  Sa résilience est symbolisée par le numéro de chevaux magnifique qu’il offre aux spectateurs ébahis où le dresseur s’efface devant son cheval, Toi, sorte d’alter ego où l’homme et l’animal ne font plus qu’un.

   Le récit est intense et incandescent. Parfois, un certain flou s'empare du lecteur qui ne sait plus très bien s'il est dans la réalité ou dans l'imaginaire.
Il m’a souvent fait l’effet d’un long poème, fascinant, d’une musique mélancolique, ou d’un conte initiatique habité par des êtres d’ombres et de lumière. Car au final, malgré les actes abjects que peut perpétuer l’homme sur l’homme, c’est à la lumière et à la joie qu’invite ce voyage.
L’auteur veut-il nous signifier que nous portons tous en nous cette ambivalence, nous dire que pas après pas sur quelle que route
 que nous empruntions au cours de notre existence, il nous faut accepter cette dualité pour que triomphe la meilleure part de nous-mêmes ?
Serait-ce une invitation au pardon ?
Je n’ai pas les réponses et c’est au lecteur de se faire son opinion.

   Ce premier roman à la langue magnifique, très lyrique, m’a bouleversée. Chaque personnage est attachant, chaque animal invite au respect. Chaque lieu, chaque événement, chaque air, tout laissera une trace dans mon cœur. C’est pour moi, une sorte de voyage sans retour…
On est sans cesse sur le fil du rasoir, celui du funambule qui à tout moment peut faire basculer le récit de la candeur joyeuse à la plus terrible barbarie.
   C’est la première fois que je lis un roman qui évoque le génocide du peuple tzigane (proajmos) par les nazis, même s'il ne s'agit pas d'un livre dont le sujet principal serait une vérité historique.

   Avant que le monde ne se ferme, au très beau titre, est un livre magique, un condensé très fort, empli d'éspérance et dont je vous recommande vivement la lecture. 

D’un grand sac de tissu informe naissait soudain un éléphant, une autruche, un cheval ; de quelques morceaux de manche à balais rapidement reliés apparaissait un Pinocchio immatériel qui flottait dans l’air. Les objets du quotidien, ceux qui peuplent les maisons et qu’on ne voit plus, acquéraient soudain une autre forme, une autre destinée. Le parapluie devenait marabout ; le bidon de lait, quille ; la chaise, morceau de girafe ; la roue de vélo, rouage d’une gigantesque machine absurde qui dévidait des rubans de couleurs comme l’horizon des arcs-en-ciel. Personne ne riait mais tous les visages étaient étonnés, ouverts, naïfs à nouveau. C’était en cela que consistait la magie des clowns Bhaskar et Nava : ils redonnaient aux êtres et aux choses leur candeur première, radicale.

Alain Mascaro (in "Avant que le monde ne se ferme", éd. autrement (p. 212)

Katia traversa la piste sur un fil tendu, une ombrelle bleu ciel à la main, tandis que mouraient les dernières notes de l’"Engloutissement". Ce n’était pas une grande équilibriste, elle flirtait en permanence avec la chute, mais c’était cette maladresse qui rendait son numéro intense et émouvant. En bas, le sable de la piste semblait d’une dureté implacable et elle, si menue.

Alain Mascaro (in "Avant que le monde ne se ferme", éd. autrement (p. 214)

Les Collages d'eMmA MessanA, collage N°454 "Dimanche de confinement". Ce collage, je l'ai composé pour ouvrir mon horizon durant le confinement avant que le monde ne se ferme, justement...   © eMmA MessanA

Les Collages d'eMmA MessanA, collage N°454 "Dimanche de confinement". Ce collage, je l'ai composé pour ouvrir mon horizon durant le confinement avant que le monde ne se ferme, justement... © eMmA MessanA

 Les cinq romans sélectionnés pour le Prix du Gois du 1er novembre 2022 au 30 avril 2023 sont :
Le loup des Ardents, de Noémie Adenis ; Oublier les fleurs sauvages, de Céline Bertz ; Les envolés, d'Etienne Kern ; Avant que le mondene se ferme, d'Alain Mascaro ; Blizzard (que j'avais déjà lu et fort apprécié il y a plusieurs mois) de Marie Vingtras.

 

   A bientôt !

   eMmA Messan
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M
Tu me donnes envie de le lire ! C'est vrai qu'il a peu de littérature sur le peuple tzigane et son extermination par les nazis. J'ai vu que ce roman avait été acheté par la médiathèque que je fréquente en ville du coup je l'ai réservé, à voir ensuite quand je pourrais le lire, je suis sur liste d'attente et par expérience c'est toujours long. Merci de nous l'avoir présenté. De ta liste, je n'ai lu que Blizzard, que j'avais d'ailleurs lu grâce à ta chronique et beaucoup aimé, le choix sera difficile pour toi... Bonne fin de journée. Bisous
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E
Je suis drôlement fière de pouvoir te suggérer une lecture, toi qui es vraiment maîtresse en la matière! C'est un très beau roman, subtil, sensible, poétique.<br /> Oui, le choix va être terrible... J'en ai encore deux à lire. Pour le moment, je découvre et me délecte du Théâtre intime de Jérôme Garcin.<br /> Bonne fin de dimanche, ma chère Manou.
L
Merci, tu donnes envie de le lire<br /> Bon dimanche<br /> Bisous
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E
N'hésite pas, Armelle, c'est un excellent roman !<br /> Bon dimanche également. Je t'embrasse.
D
je transmets ton article à une amie, qui comme toi lit beaucoup, et fait partie d'un groupe 1er roman, en Savoie<br /> .
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E
Avec plaisir, Dominique.<br /> J'ai découvert cet auteur-voyageur et son premier roman grâce à ma participation au Prix du Gois. Sinon, je l'avoue, je serais malheureusement passée à côté de ce roman mémoriel somptueux.