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Le bureau d'éclaircissement des destins, Gaëlle Nohant

   

   Je sors de la lecture d'un roman majeur dont le souffle m'a littéralement emportée et véritablement bouleversée.
Il s'agit du dernier livre de Gaëlle Nohant, Le bureau d'éclaircissement des destins, publié chez Gasset. 

   L'ITS (International Tracing Service) est le plus grand centre de documentation, d'information et de recherches sur la persécution nazie. Ce centre n'est pas une fiction, il existe bien à Bad Arolsen en Allemagne et fait partie du patrimoine mondial de l'UNESCO "Mémoire du monde".
   Il a pour objectifs l'éclaircissement du destin d'anciens persécutés du régime nazi (enfants volés, juifs, communistes, tziganes, homosexuels...), la recherche de parents proches afin de leur délivrer des informations ou de leur rendre des objets (parfois sans aucune valeur marchande, mais à forte valeur sentimentale), la conservation et la nomenclature de données mémorielles de ces victimes. 

  Irène est archiviste à l'ITS. Elle se voit confier la mission de restituer des objets dont le centre a hérité lors de la libération des camps de concentration. 
Nous assistons pas à pas à l'une de ses enquêtes, délicate et minutieuse qui la conduit de Varsovie à Paris et Berlin sur les pas de protagonistes en lien avec Thessalonique ou l'Argentine. Chaque avancée nous fait pénétrer dans l'intimité de personnages dont la vie a été fracassée par l'ignominie.
Il y est question notamment, de quelques objets qui articulent l'ensemble du récit, un minuscule petit pantin de chiffon, un médaillon tout terni, un mouchoir brodé dont les larmes recueillies sont parvenues à mouiller les pages du livre que je tenais entre mes mains. 

   Chaque chapitre porte le prénom d'un des personnages comme pour offrir un supplément d'âme et d'humanité à la litanie des souffrants... 

   Nous en arrivons en tant que lecteur a nous rendre compte combien lever des secrets n'est jamais anodin et peut nous transformer en profondeur, combien le passé peut influer nos comportements d'aujourd'hui, même de façon infime. Et d'une façon générale nous percevons que les destins individuels et leurs imbrications impactent la mémoire collective de notre humanité...
   Ce sont toutes les facettes qui consituent un être humain qui sont abordées de façon subtile dans ce beau roman, des plus lumineuses et porteuses d'espoir, jusqu'aux plus sombres et intolérables.

    Le métier d'Irène et cette très longue enquête aura également un impact sur sa vie personnelle et familiale...

Le bureau d'éclaircissement des destins s'est vu décerner le Grand Prix RTL LIRE  2023.
Lisez-le, vous ne l'oublierez jamais !

 

la plupart aimaient sincèrement ces enfants. Autant que les leurs, ceux que le Parti avait envoyés se battre dans les ruines, et qui étaient morts dans un uniforme trop grand pour eux, près d'un fusil qu'ils n'arrivaient pas à tenir. Mais dans la tragédie générale, il ne fallait pas confondre les chagrins. Ni les réparations. Alors il passait des heures à étudier les clichés de la Croix-Rouge, et retournait frapper aux portes.

Gaëlle Nohant (in "Le bureau d'éclaircissement des destins", éditions Grasset, page 187)

Même si on ne répare personne, songe Irène en s'essuyant les yeux, si l'on peut rendre à quelqu'un un peu de ce qui lui a été volé, sans bien savoir ce qu'on lui rend, rien n'est tout à fait perdu.

Gaëlle Nohant (in "Le bureau d'éclaircissement des destins", éditions Grasset, page 397)

Le "jamais plus" de Treblinka est un mantra que des sourds psalmodient pour des aveugles.

Gaëlle Nohant (in "Le bureau d'éclaircissement des destins", éditions Grasset, page 330/331)

Aujourd'hui, 4 juillet, pensées pour Robert Desnos, poète surréaliste, résistant français  né le 4 juillet 1900 à Paris 11e, mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Therensienstadt  en Tchécoslovaquie, après être passé par Auschwitz, Büchenwald et Flossenbürg.
 

Jean Ferrat, Robert le Diable
Jean Aragon

Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval
Quand tu parlais du sang jeune homme singulier
Scandant la cruauté de tes vers réguliers
Le rire des bouchers t’escortait dans les Halles
Tu avais en ces jours ces accents de gageure
Que j’entends retentir à travers les années
Poète de vingt ans d’avance assassiné
Et que vengeaient déjà le blasphème et l’injure

Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

Debout sous un porche avec un cornet de frites
Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry
Dévisageant le monde avec effronterie
De ton regard pareil à celui d’Amphitrite
Enorme et palpitant d’une pâle buée
Et le sol à ton pied comme au sein nu l’écume
Se couvre de mégots de crachats de légumes
Dans les pas de la pluie et des prostituées

Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

Et c’est encore toi sans fin qui te promènes
Berger des longs désirs et des songes brisés
Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées
Jusqu’à l’épuisement de la nuit ton domaine
O la Gare de l’Est et le premier croissant
Le café noir qu’on prend près du percolateur
Les journaux frais les boulevards pleins de senteur
Les bouches du métro qui captent les passants

Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

La ville un peu partout garde de ton passage
Une ombre de couleur à ses frontons salis
Et quand le jour se lève au Sacré-Cœur pâli
Quand sur le Panthéon comme un équarrissage
Le crépuscule met ses lambeaux écorchés
Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change
Quand le soleil au Bois roule avec les oranges
Quand la lune s’assied de clocher en clocher

Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne

   A bientôt, si vous le voulez bien, pour d'autres "très brèves de lecture", très brèves, car je n'ai guère l'intention de devenir chroniqueuse littéraire, mais bien juste de vous offrir en partage mes coups de coeur de lecture...

   Bonnes lectures !
   
eMmA MessanA

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M
Merci pour cette belle chronique émouvante qui nous permet de partager toute l'émotion que tu as ressentie lors de cette lecture. Ce livre est dans mes listes de lectures depuis sa sortie, j'avais déjà été intriguée par son titre, puis enthousiasmée par les avis positifs des blogueurs...et autres. Malheureusement comme j'achète rarement des livres, sa lecture attendra qu'il soit disponible à la médiathèque à la rentrée j'espère. Passe une très belle journée. Je t'embrasse
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E
Je suis une incorrigible acheteuse de livres. j'ai la chance de disposer encore de place chez moi, mais j'aime aussi à l'occasion emprunter à la bibliothèque. Je me dis toujours que mes livres sont mon trésor. Fort heureusement mon fils unique adore la lecture et lorsqu'il séjourne chez nous, outre de retrouver son piano, il prend plaisir à puiser dans ma bibliothèque. Je considère que celle-ci fait partie de notre famille !<br /> Je te souhaite un bon après-midi chère Manou.
E
Tu me donnes vraiment envie de le lire .J'aime beaucoup ton dernier paragraphe , aucun souvenir n'est anodin pour l'avenir !<br /> <br /> Et avec Jean Ferrat , que j'aime beaucoup, c'est un bonheur !<br /> Douce journée, bises eMmA
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E
Heureuse que ce billet te plaise et te donne l'envie de lire ce très bon livre.<br /> Ferrat, en hommage hier à Robert Desnos né un 4 juillet, poète martyrisé par la folie des hommes.
L
Chaque ligne de poème, de roman, de témoignages sur cette sombre page de l'histoire est importante car les survivants disparaissent les uns après les autres et ne resteront aue les écrits pour témoigner.
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E
Outre la partie fiction de ce roman très prenante, j'ai appris beaucoup concernant l'ITS. C'est aussi en cela que la lecture de ce livre fait largement sa part d'un point de vue mémoriel. Je le conseille.
P
Chère Emma, l’émotion perceptible dans ta chronique laisse deviner combien ce livre doit être bouleversant. Je l’ajoute à ma liste, je garde un souvenir bouleversant de ma visite au Mémorial de la Shoa et de mes larmes devant un doudou. <br /> Merci de tes mots si touchants.<br /> Je t’embrasse<br /> Anne
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E
Ce livre est puissant et j'ai du mal à m'en détacher. Il me marquera pour longtemps...<br /> Merci Anne pour ta lecture de ce modeste retour de lecture.<br /> Bises.