Le petit livre de l'amitié, Patrick Tudoret

   Je viens de vivre de délicieux moments de lecture grâce au dernier livre de Patrick Tudoret, Le petit livre de l'amitié paru en novembre aux Editions Salvator.
   Le format de ce livre est en effet d'une taille à entrer dans une grande poche de votre manteau (on approche de l'hiver), mais croyez-moi, ce qu'il contient n'a rien de petit. Il traite avec densité d'un sujet ô combien profond, l'amitié.

   Patrick Tudoret est un auteur dont j'aime lire et offrir les livres.
   Je ne suis jamais déçue car son écriture est belle, les démonstrations étayées de citations-références qui ponctuent à merveille son propos et d'anecdotes personnelles qui donnent de la chair à l'ensemble en nous faisant grandir. 

   J'ai retrouvé tout cela dans cet essai, composé de 14 courts chapitres qui vont de l'amour jusqu'à son revers, l'inimitié. Il y est question de ponts à construire, de loyauté, de fidélité, de présence à l'autre, d'engagement, de belle connivence, de la joie que l'on partage, sans occulter l'oubli, l'éloignement, la rupture, les désillusions, les petites déceptions et autres abandons. 
Les liens se serrent et se desserrent pour mieux se retricoter, parfois...
   J'ai retrouvé aussi l'humour légèrement acide qui ponctue les écrits de Patrick Tudoret et me suis amusée en me disant "tiens, je vois que je ne suis pas seule dans cette sorte d'intransigeance liée à l'amitié !"...

   Cette lecture qui m'a fait réfléchir sur ma propre vision de ce sentiment (cette vertu?) qui peut revêtir tant de facettes.

   Je me suis posée pour faire la somme et la différence de ce que j'attends de mes amis, ceux d'hier, d'aujourd'hui et de demain, des amitiés ballotées durant l'enfance annihilées par un exil aux antipodes, de celles mortes dans l'oeuf de la rencontre, de celles qui se flétrissent et celles qui durent malgré (ou à cause) de la distance, celles qui ne verront jamais le jour malgré le désir de les voir portées sur les fonts baptimaux de l'exsitence, les virtuelles (mais oui, les aminautes ont également droit au chapitre), les "dans la vraie vie", celles des éternels silencieux, celles dont la perte ressemble à une blessure du coeur, celles à jamais liées à une belle aventure humaine, celles dont on n'attend plus rien qui, pourtant, nous ont construits même de façon infime par touches légères et subtiles et de celles qui, triomphantes, durent depuis longtemps...

   Elle m'a aussi bien sûr permis de tenter de discerner ce que je suis humblement capable ou incapable d'offrir à mes amis, moi qui ai tendance à mettre la barre trop haut en demeurant intransigeante face à des comportements que je juge rhédibitoires comme la trahison, la manipulation, la jalousie...
   Je suis convaincue qu'un lien d'amitié n'autorise pas à tout, mais qu'en revanche, il nous oblige.
   Bien sûr, je me dis qu'il faut savoir se remettre en question mais aussi, s'il le faut, prendre la liberté et aussi le courage de tourner la page pour être en accord avec les valeurs auxquelles on tient.
Tourner la page sans la déchirer ou trop l'écorner pour n'en garder que le meilleur gravé dans sa mémoire, même si le manque d'une ancienne amitié peut s'avérer bien cruel et rendre un peu méfiant pour accueillir les amitiés à venir...

   Pour illustrer musicalement cette page (vous connaissez ma marotte), deux chansons, l'une évoquée par l'auteur qui de son propre aveu n'a pas trop l'instinct grégaire (eh bien oui, point trop n'en faut !), Le Pluriel de Georges Brassens et une autre d'un chanteur récemment disparu, Henri Tachan, L'Amour et l'Amitié.

Geoges Brassens, Le Pluriel
Auteur - compositeur, Georges Brassens
Extrait de l'album Supplique Pour Etre Enterré à La Plage de Sète (1966)
Cher monsieur, m'ont-ils dit, vous en êtes un autre
Lorsque je refusai de monter dans leur train
Oui, sans doute, mais moi, j'fais pas le bon apôtre
Moi, je n'ai besoin de personne pour en être un

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de cons
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Dans les noms des partants on verra pas le mien

Dieu que de processions, de monomes, de groupes
Que de rassemblements, de cortèges divers
Que de ligues, que de cliques, que de meut's, que de troupes
Pour un tel inventaire il faudrait un Prévert

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre on est une bande de cons
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Parmi les cris des loups on n'entend pas le mien

Oui, la cause était noble, était bonne, était belle
Nous étions amoureux, nous l'avons épousée
Nous souhaitions être heureux tous ensemble avec elle
Nous étions trop nombreux, nous l'avons défrisée

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de cons
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Parmi les noms d'élus on verra pas le mien

Je suis celui qui passe à côté des fanfares
Et qui chante en sourdine un petit air frondeur
Je dis, à ces messieurs que mes notes effarent
Tout aussi musicien que vous, tas de bruiteurs

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de cons
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Dans les rangs des pupitres on verra pas le mien

Pour embrasser la dame, s'il faut se mettre à 12
J'aime mieux m'amuser tout seul, cré nom de nom
Je suis celui qui reste à l'écart des partouzes
L'obélisque est-il monolithe, oui ou non

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de cons
Bande à part, sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens
Au faisceau des phallus on verra pas le mien

Pas jaloux pour un sou des morts des hécatombes
J'espère être assez grand pour m'en aller tout seul
Je ne veux pas qu'on m'aide à descendre à la tombe
Je partage n'importe quoi, pas mon linceul

Le pluriel ne vaut rien à l'homme et sitôt qu'on
Est plus de quatre, on est une bande de cons
Bande à part, sacrebleu c'est ma règle et j'y tiens
Au faisceau des tibias on verra pas les miens

Henri Tachan, L'Amour et l'Amitié
Auteur - compositeur, Henri Tachan
Extrait de l'album La Vie (1974)
 

Entre l'amour et l'amitié
Il n'y a qu'un lit de différence
Un simple pageot un pucier
Où deux animaux se dépensent
Et quand s'installe la tendresse
Entre nos corps qui s'apprivoisent
Que platoniquement je caresse
De mes yeux ta bouche framboise
Alors l'amour et l'amitié
N'est-ce pas la même romance
Entre l'amour et l'amitié
Dites-moi donc la différence

Je t'aime mon amour mon petit
Je t'aime mon amour mon amie

Entre l'amour et l'amitié
Ils ont barbelé des frontières
Nos sentiments étiquetés
Et si on aime trop sa mère
Ou bien son pote ou bien son chien
Il paraît qu'on est en eau trouble
Qu'on est cliniquement freudien
Ou inverti ou agent double
Alors qu'l'amour et l'amitié
Ont la même gueule d'innocence
Entre l'amour et l'amitié
Dites-moi donc la différence

Je t'aime mon amour mon petit
Je t'aime mon amour mon amie

Entre l'amour et l'amitié
La pudeur a forgé sa chaîne
À la barbe du monde entier
Et de ses gros rires gras de haine
Bon an mal an les deux compagnes
Se dédoublent où bien s'entremêlent
Comme sur la haute montagne
Le ciel et la neige éternelle
Entre l'amour et l'amitié
Se cache un petit bout d'enfance
Entre l'amour et l'amitié
Il n'y a qu'un lit de différence

Je t'aime mon amour mon petit
Je t'aime mon amour mon amie

    En toute amitié, je vous invite à tourner les pages de ce beau livre.

   Bien à vous,
   eMmA MessanA 

~~
   Pour recevoir les actualités de ce blog, il suffit de vous inscrire ici, puis d'aller confirmer l'inscription à partir du mail que vous aurez reçu (n'oubliez pas de vérifier si ce mail est arrivé dans vos spams
~~