20 Décembre 2017
Je vous ai déjà dit mon admiration pour Eric-Emmanuel Schmitt. Je l'évoque ici de temps à autre (liens).
Je savais sa passion pour la musique, et notamment celle de Mozart pour laquelle il dit volontiers qu'elle a littéralement changé sa vie.
----> Livre ouvert : Eric-Emmanuel Schmitt, Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent...
Ce titre jubilatoire m'a tellement fait rigoler dans la librairie, qu'à peine sortie, je me suis arrêtée, le temps d'un expresso, à la terrasse du premier troquet venu pour ouvrir le livre.
De retour chez moi, j'ai immédiatement écouté le CD joint au livre.
Et alors, là, le CHOC !
A l'écoute de la première plage, l'ouverture Coriolan, une foule de souvenirs et de sensations sont venues "littéralement" cogner et bousculer ma mémoire.
Je me suis immédiatement retrouvée au collège, en 5ème dans les années 70, devant notre professeur, Monsieur Jourdes, attentive à son cours de musique.
Monsieur Jourdes était en fait notre professeur d'histoire-géo.
Mais cette année-là, à la rentrée, le prof de musique avait déclaré forfait.
Alors, le collège, sachant que M. Jourdes était un fin mélomane, le chargea de nous intéresser à la musique.
Il le fit avec une vraie réussite, alors qu'en général, les "vrais" profs de musique s'y cassaient les dents.
A l'époque, ce Collège Robespierre à St-Etienne-du-Rouvray, était situé dans une "zone" qui pouvait faire croire, a priori, que les élèves n'auraient pas d'appétence particulière pour la musique classique...
C'était sans connaître la compétence et l'enthousiasme de notre professeur : nous buvions littéralement ses paroles, tant il savait nous attirer vers les musiques qu'il aimait.
Avec lui, point de portée tracée sur le tableau, pas de cours "magistral" d'un air compassé, mais juste une écoute d'oeuvres qu'il nous décryptait ou bien auxquelles il nous invitait simplement à réagir, à exprimer nos émotions.
Bien sûr, il commença par nous faire écouter des oeuvres à notre portée (Pierre et le Loup, la Symphonie des Jouets...). Puis il continua avec des oeuvres plus exigeantes, telles l'Amour des Trois Oranges de Prokofiev, Ravel et son boléro, le Sacre du Printemps de Stravinski...
J'ai un souvenir très précis, dans cette classe de 5ème, de ma première écoute de Coriolan et de l'accompagnement que nous en fit M. Jourdes, qui en professeur d'Histoire, nous en révéla les liens entre les progressions thématiques et musicales.
Nous étions véritablement à Rome, assistions réellement à la destruction de Rome, et entendions la supplique répétée des femmes.
Nos jeunes esprits apprenaient que l'on pouvait exprimer les sentiments humains avec des instruments de musique...
Ah comme j'aimerais que ce professeur sache combien son enseignement musical, dispensé avec intelligence et pédagogie, a été marquant pour la construction émotionnelle des enfants que nous étions !
Peut-être le Collège Robespierre, qui dispose d'un site, a-t-il les coordonnées de cet ancien enseignant.
Je vais leur envoyer un message...
Quand la deuxième plage du CD a débuté, le fameux "pom, pom, pom, pôm" du premier mouvement de la Symphonie n°5 en ut mineur (aussi appelée la Symphonie du Destin) m'a, lui aussi, rappelé une anecdote liée à mon adolescence.
Mes parents et moi étions en voiture, de retour d'une grande journée de promenade.
C'était la fin de la journée, entre chien et loup, et je voyais bien que mon père commençait à s'impatienter car il avait en fait perdu son chemin.
On tournait en rond et le paysage alternait chemins forestiers et carrière de sable...
Ce n'était pas son habitude, car c'est un bon conducteur qui a le sens de l'orientation.
Mais là, après plusieurs tours et demi-tours, il s'arrêta net.
L'ambiance était légèrement plombée, on avait l'impression que je ne sais quel événement allait survenir ou qu'une grosse bête allait surgir d'on ne savait où.
L'inquiétude était palpable, on retenait notre souffle.
On n'en menait pas large, allez savoir pourquoi...
Alors, au bout d'un certain nombre de kilomètres, pour détendre un peu l'atmosphère, mon père dit :
"Bon, on ne se laisse pas abattre, je vais mettre la radio en route, on va chanter un peu, et tout va rentrer dans l'ordre !"
Nous avions à peine eu le temps d'esquisser un sourire d'approbation, que les quatre notes fatidiques de la Symphonie du Destin résonnèrent dans la voiture de toute leur force et nous prirent à la gorge !
Pom, pom, pom, pôm !
Et puis, très vite, nous avons tous éclaté de rire devant ce clin d'oeil (du destin ?) et puis, très rapidement après cet épisode, avons retrouvé très facilement notre chemin...
Je peux dire qu'on en parle encore chez nous et à chaque fois, c'est une franche rigolade !
Voici un court extrait du livre d'Eric-Emmanuel Schmitt qui m'a beaucoup plu.
"Si tout a un terme, alors à quoi bon ?
Pourquoi lutter, résister jusqu'à l'aube ?
Beethoven me dévore de ses yeux noirs, fumants, et m'objecte :
- Le but n'est pas de changer la condition humaine en devenant immortel, omniscient, tout-puissant ; non, le but est d'habiter la condition humaine.
Pour y parvenir, il faut d'abord accepter notre fragilité, nos défaillances, nos tourments, notre perplexité ; abandonner l'illusion de savoir ; faire le deuil de la vérité ; reconnaître l'autre comme un frère en questionnement et en ignorance ; cela s'appelle l'humanisme.
Pour s'y maintenir, il faut aussi lutter contre la peur, celle de l'échec, celle de la vie, celle de la mort ; cela s'appelle le courage.
Pour y persévérer, il faut exhaler ce qu'il y a de meilleur en l'homme, de beau dans le cosmos, d'admirable parmi la création ; cela s'appelle la hauteur.
Pour s'y sentir bien, il faut dépasser la tristesse, le désarroi, la haine du provisoire, le besoin de posséder ; on doit préférer ouvrir les bras, privilégier l'énergie, célébrer l'existence ; cela s'appelle la joie.
Humanisme, courage, culte de la hauteur, choix de la joie : voilà les quatre propositions de Beethoven.
On appelle cela une morale."
Flo, j'ai encore utilisé ton piano comme support...
J'ai hâte que tu viennes à Noël, pour réveiller les voisins !
------> Livre à ouvrir : Eric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart
En fait ce livre est le premier du cycle Le bruit qui pense, le 2ème étant celui portant sur Beethoven dont je viens de vous parler. Suivront Bach, Schubert...
Là aussi, un CD est joint au livre.
J'ai lu Ma vie avec Mozart, dans la perspective d'aller Eric-Emmanuel Schmitt à la Salle Gaveau. Il était accompagné par l'Orchestre Symphonique Confluences dont la direction musicale sera assurée par Philippe Fournier. Ce fut littéralement magique ! Lire ici : lien
Bonnes lectures (moi, je retourne me délecter de Beethoven...)
MmA MessanA
Pour d'autres notes dans lesquelles Eric-Emmanuel Schmitt est évoqué dans ce blog, relier les titres suivants :
Ma vie avec Mozart, la gratitude
Création mondiale, Le Journal d'Anne Frank
A la plus grande librairie de Paris, E-E S
Comme un pont - Invitation à la lecture du tag
Livre ouvert.... livre à ouvrir # 6. Eric-Emmanuel Schmitt